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Dark Web : L’ombre numérique et son empreinte écologique méconnue

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Jusqu’à il y a peu de temps, quand j’entendais dark web, les premières images qui me venaient à l’esprit étaient souvent celles d’un espace obscur, dédié aux activités illégales et à l’anonymat le plus total. Certes, mais la complexité par rapport à notre web de surface n’est pas si sensible. Autre point, derrière cette façade mystérieuse se cache une empreinte environnementale. Oui, le dark web consomme de l’énergie, génère des émissions de CO₂ et participe, à son échelle, à la dégradation de notre planète. Mais comment ? Plongeons ensemble (pas trop loin hein) dans les profondeurs de cette ombre numérique.

l'empreinte écologique du dark web

Qu’est-ce que le dark web ?

Le dark web est une partie d’Internet qui n’est pas indexée par les moteurs de recherche classiques comme Google ou Bing. Pour y accéder, il faut utiliser des logiciels spécifiques, comme Tor (The Onion Router), qui garantissent l’anonymat des utilisateurs en chiffrant et en redirigeant leur trafic à travers une série de nœuds, appelés relais. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le dark web n’est pas uniquement un repaire pour des activités illicites. Il sert aussi à protéger la vie privée dans des contextes politiques répressifs ou à sécuriser des échanges sensibles.

Selon une étude menée par le Global Initiative Against Transnational Organized Crime en 2019, entre 40 % et 60 % des contenus du dark web sont liés à des activités illégales. Le reste concerne des usages légitimes, comme le contournement de la censure ou la protection de données personnelles. Le dark web est donc un outil à double tranchant, dont l’impact environnemental mérite d’être examiné de plus près.

Une infrastructure technique énergivore

Le dark web repose sur une infrastructure décentralisée et chiffrée, qui consomme une quantité supplémentaire d’énergie par rapport au surf classique. Voici ses principaux composants et leur impact :

Le réseau Tor : un labyrinthe de relais

Tor est le logiciel le plus utilisé pour accéder au dark web. Il fonctionne grâce à un réseau de plus de 6 000 relais répartis dans le monde, selon le rapport annuel du projet Tor. Chaque relais consomme entre 20 et 100 watts selon sa charge et son hébergement. À l’échelle du réseau, cela représente une consommation annuelle significative, bien que difficile à quantifier précisément.

Les serveurs cachés : une consommation discrète mais réelle

Les sites du dark web sont hébergés sur des serveurs qui ne sont pas accessibles via des adresses IP publiques. Ces serveurs, souvent situés dans des pays où les réglementations sont moins strictes, consomment de l’énergie pour fonctionner et maintenir le chiffrement des données. Selon une étude publiée dans le ICT Sustainability Journal (Andrae & Edler, 2021), le chiffrement ajoute une surcharge énergétique de moins de 10 % par rapport au web traditionnel.

Les cryptomonnaies : un poids lourd énergétique

Les transactions sur le dark web sont majoritairement réalisées en cryptomonnaies, comme Bitcoin ou Monero. Or, le minage de ces devises virtuelles est extrêmement énergivore. Par exemple, le minage de Bitcoin consomme environ 200 TWh par an, selon l’Indice de Consommation Électrique de Bitcoin de l’Université de Cambridge (lien ici). Chaque transaction en Bitcoin peut représenter jusqu’à 1 200 kWh, soit l’équivalent de la consommation électrique d’un foyer français pendant plusieurs semaines.

La consommation électrique du dark web : des chiffres difficiles à cerner

Estimer la consommation électrique du dark web est un défi en raison de son opacité. Cependant, certaines études permettent d’avoir une idée de son impact :

  • Les relais Tor : Avec plus de 6 000 relais actifs, la consommation annuelle est estimée à plusieurs gigawatts-heure (GWh). Par exemple, si l’on considère que chaque relais consomme en moyenne 100 watts, cela représente environ 10 GWh par an, soit l’équivalent de la consommation électrique de 2 000 foyers français.
  • L’hébergement des sites : Les serveurs cachés consomment également de l’énergie. Leur localisation et leur gestion rendent difficile une estimation précise, mais leur impact est loin d’être négligeable.
  • Les transactions en cryptomonnaies : Comme évoqué précédemment, les transactions sur le dark web représentent une part non négligeable de l’usage des cryptomonnaies, dont l’empreinte carbone est colossale. 200 TWh par an c’est l’équivalent de la consommation annuelle de 300 datacenters

Ces éléments combinés font du dark web un acteur discret mais réel de la consommation énergétique mondiale.

Un impact environnemental sous-estimé

La consommation électrique du dark web a un impact direct sur l’environnement, principalement à travers les émissions de CO₂ et la production de déchets électroniques.

Des émissions de CO₂ difficiles à ignorer

En utilisant le mix énergétique mondial, la consommation électrique du dark web pourrait émettre jusqu’à 4 000 tonnes de CO₂ par an. Ce chiffre, bien qu’approximatif, donne une idée de l’empreinte carbone de cette partie cachée d’Internet. Pour mettre cela en perspective, cela équivaut aux émissions annuelles de près de 2 000 voitures.

Les déchets électroniques : un autre défi

Les serveurs et équipements utilisés pour faire fonctionner le dark web ont une durée de vie limitée. Leur renouvellement fréquent génère des déchets électroniques, dont seulement 17,4 % sont recyclés correctement, selon un rapport de l’ONU (2021). Le reste finit dans des décharges ou est incinéré, aggravant la pollution et le gaspillage des ressources. Le web traditionnel a les mêmes impacts ; la gestion des déchets électroniques est une des clés pour limiter l’empreinte environnementale.

Des exemples concrets pour mieux comprendre

Pour illustrer l’impact du dark web, prenons quelques exemples :

L’utilisation de Tor en Russie

En 2022, l’utilisation de Tor en Russie a connu une augmentation significative, notamment après l’invasion de l’Ukraine. Selon Tor Metrics, l’utilisation de Tor depuis la Russie a été multipliée par 2 à 2,5 en quelques mois. Cette hausse a entraîné une augmentation de la consommation électrique des relais Tor dans la région, bien que les chiffres exacts restent difficiles à obtenir.

Un manque de données précises

Malheureusement, il n’existe pas de données précises et sourcées sur l’empreinte carbone ou la consommation énergétique d’un site spécifique du dark web. Les études disponibles se concentrent sur des ordres de grandeur pour les infrastructures (relais Tor, serveurs anonymes) ou le stockage de « dark data », mais peu de cas individuels sont documentés (source : greenit.fr).

Comment réduire l’impact environnemental du dark web ?

J’en parlais au début de cet article, le dark web est souvent associé à des activités illégales, les solutions proposées ici vont certainement passer au dessus de la tête de beaucoup de criminels. Pour vous autres utilisateurs, qui recherchez uniquement l’anonymat ou la non-censure, il est possible d’agir pour réduire votre impact environnemental.

  • Utiliser des relais Tor écoresponsables : Si vous gérez un relais Tor, vous pouvez opter pour des hébergeurs qui utilisent des énergies renouvelables. Certains fournisseurs proposent des serveurs alimentés par de l’énergie « verte » (comprendre peu carbonée), ce qui réduit considérablement l’empreinte carbone.
  • Privilégier des cryptomonnaies moins énergivores : Bitcoin est connu pour sa consommation électrique astronomique. Des alternatives comme Monero ou Nano sont bien moins gourmandes en énergie. En les utilisant, vous réduisez indirectement l’impact environnemental de vos transactions.
  • Recycler les équipements électroniques : Pour celles et ceux qui servent de nœuds intermédiaires, il est essentiel de participer à des programmes de recyclage des équipements électroniques. Cela permet de limiter la production de déchets et de prolonger la durée de vie des matériaux.
  • Sensibiliser à l’impact environnemental : Enfin, comme pour les solutions numériques en général, informez sur les conséquences environnementales du web. Plus les gens sont conscients de l’impact de leurs actions, plus ils sont susceptibles d’adopter des pratiques plus responsables.

Un équilibre à trouver

Le dark web est un espace complexe, à la fois utile et problématique. Bien qu’il joue un rôle important dans la protection de la vie privée et la liberté d’expression, son impact environnemental ne peut être ignoré. Sa consommation électrique, principalement liée aux relais Tor, aux serveurs cachés et aux transactions en cryptomonnaies, contribue aux émissions de CO₂ et à la production de déchets électroniques. Bien sûr, la sécurité de ceux qui en ont besoin est primordiale, mais si en plus on peut contribuer dans l’ombre à faire durer notre planète …

Sources et références

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