Et si les vrais super-héros, c’était nous ? À l’heure où le festival Séries Mania transforme Lille en capitale mondiale des séries (oui oui mondial), une question mérite d’être posée : et si les véritables super-héros n’étaient pas ceux que nous regardons sur nos écrans, mais ceux que nous pourrions devenir en changeant nos habitudes de streaming ?
Derrière la sériephilie ou même l’addiction pour les contenus vidéo se cache une réalité moins glamour : le streaming vidéo représente aujourd’hui 60 % des flux de données mondiaux et génère plus de 300 millions de tonnes de CO2 par an. C’est l’équivalent des émissions annuelles d’un pays comme l’Espagne !
Cet article propose donc d’explorer un autre aspect de notre consommation culturelle : l’impact environnemental du streaming. De son fonctionnement technique aux solutions pour réduire notre empreinte carbone, plongeons dans les coulisses de ce phénomène numérique. Et qui sait ? Peut-être que cette prise de conscience fera de nous les héros de notre planète.

Le phénomène du streaming vidéo
Netflix, YouTube, Amazon Prime… Ces noms sont devenus synonymes de divertissement à la demande. Mais qu’est-ce que le streaming vidéo exactement ? C’est tout simplement la diffusion en continu de contenu vidéo sur internet, sans avoir besoin de télécharger le fichier complet avant de le visionner.
Cette technologie, qui semblait futuriste il y a encore quelques années, est aujourd’hui omniprésente. Selon le rapport Cisco Visual Networking Index, la vidéo représenterait 82% de tout le trafic internet en 2022. Les vidéos live représente 20% (les J.O., concerts, webinaires, ou encore télésurveillance de nos villes). La vidéo à la demande consomme donc 60% des flux internet mondiaux. Ces flux se décomposent en 4 catégories principales :
- VoD (Netflix, Amazon Prime) : 34% des flux
- Pornographie : 27% des flux
- Plateformes de type YouTube : 21% des flux
- Autres (réseaux sociaux, etc.) : 18% des flux
Une croissance fulgurante qui s’explique par plusieurs facteurs : l’amélioration des débits internet, permettant de streamer en haute qualité, la multiplication des appareils connectés (smartphones, tablettes, smart TV), l’essor des plateformes de streaming et leur catalogue toujours plus fourni. Mais cette consommation massive a un coût, et pas seulement pour notre portefeuille. Nous verrons plus tard que l’environnement paie aussi le prix fort de notre boulimie vidéo.
Comment fonctionne le streaming vidéo ?
Pour comprendre l’impact environnemental du streaming, prenons deux minutes pour comprendre son fonctionnement global. Le processus technique du streaming se décompose en trois étapes principales :
- L’encodage et la compression : Pour réduire leur taille sans trop altérer la qualité, les vidéos sont d’abord encodées et compressées. Ce serait un peu comme enlever l’air des paquets de chips pour que cela prenne moins de place lors du transport. Cette étape nécessite de la puissance de calcul.
- La transmission des données : Une fois compressée, la vidéo est envoyée par petits paquets depuis les serveurs jusqu’à votre appareil. C’est comme si on vous envoyait votre série épisode par épisode, ou même scène par scène. D’ailleurs, si vous avancez très vite la lecture de la video, vous arriverez sur un moment qui n’a pas encore été streamé et il vous faudra attendre quelques secondes avant de voir la suite.
- La lecture sur votre appareil : Votre smartphone, ordinateur ou smart TV reçoit ces paquets de données, les décompresse et les assemble pour vous permettre de regarder votre contenu en continu.
Mais pour que tout ce processus fonctionne, il faut une infrastructure colossale : des datacenters gigantesques pour stocker toutes les vidéos, des réseaux de distribution de contenu (CDN) pour rapprocher les données des utilisateurs (et donc dupliquer les mêmes vidéos à plusieurs endroits sur le globe), des milliers de kilomètres de câbles, dont des câbles sous-marins, pour transporter les données, et bien sûr, tous nos appareils connectés pour visionner le contenu.
Dites vous maintenant qu’à chaque fois que vous lancez une vidéo, vous mettez en marche une énorme machine invisible qui s’étend sur toute la planète (invisible à notre œil, mais qui existe bel et bien). Et vous vous en doutez, plus nous en demandons, plus il faudra des serveurs et des espaces de stockage pour gérer notre nouvelle demande (plus d’utilisateurs, ou plus de choix, plus de plus …).
L’impact environnemental du streaming
Maintenant que nous avons ouvert le capot, regardons de plus près les rejets de cette grosse machine. Et le constat est alarmant.
Encore plus de CO2 rejeté
Selon le rapport du think tank The Shift Project L’insoutenable usage de la vidéo en ligne, le streaming vidéo émet chaque année plus de 300 millions de tonnes de CO2. C’est l’équivalent des émissions annuelles de l’Espagne ! Cette pollution provient de plusieurs sources :
- La consommation énergétique des datacenters : Ces gigantesques entrepôts de données et de calculateurs engloutissent des quantités phénoménales d’électricité, à la fois pour faire fonctionner les serveurs et pour les refroidir.
- Les réseaux de transmission : Tous ces câbles et antennes qui permettent aux données de voyager consomment eux aussi de l’énergie. Cela inclue notre box internet.
- Nos appareils : Eh oui, nos smartphones ou télé consomment aussi de l’électricité quand nous regardons une vidéo.
Encore plus d’extractivisme
Mais ce n’est pas tout. La fabrication de tous ces équipements (serveurs, câbles, smartphones…) nécessite l’extraction de matières premières, souvent rares et polluantes. Sans parler de l’eau utilisée pour refroidir les datacenters, qui se compte en millions de litres.
Le rapport indique également que la définition d’image influe sur les émissions. Alors je n’ai pas trouvé de chiffre précis sur la quantité de CO2 émise par mode, mais Netflix indique que les données consommées varient de 0,3 Go (en très basse définition) à 7 Go (en 4K) pour une heure de vidéo regardée. C’est moins si vous utilisez l’application dédiée au lieu d’un navigateur.
Sans oublier que le terminal sur lequel vous regardez la vidéo, influe également sur l’impact environnemental. En effet un ordinateur portable (puissance moyenne 50W) consomme plus qu’un smartphone (puissance moyenne 5W), mais moins qu’une smart TV (puissance moyenne 100W pour un OLED de 50 pouces). Il vous suffit de multiplier par 1 heure le temps d’un épisode et cela vous donne la quantité d’énergie dépensée.
Finalement, l’utilisation du wifi ou de la 4G/5G influe aussi sur la consommation énergétique et donc l’impact environnemental du streaming. Selon l’Arcep, l’utilisation du wifi est le plus économe si vous êtes en fibre optique (comparé aux infrastructures pour l’ADSL ou les réseaux mobiles). D’autre part rester en données mobiles sur votre smartphone utilise plus sa batterie car il doit régulièrement rechercher l’antenne la plus proche pour s’y connecter.
Les facteurs aggravants
Comme si ce tableau n’était pas déjà assez sombre, plusieurs facteurs viennent encore aggraver la situation :
- La course à la haute définition : La 4K, la 8K bientôt la 16K ? Ces formats ultra-haute définition sont de véritables gouffres à données. Une heure de vidéo en 4K, c’est environ 7 Go de données, soit plus du double d’une vidéo en HD classique.
- La multiplication des écrans : Smartphone dans le métro, ordinateur au bureau, tablette dans le lit, télé dans le salon (et le petit coin on en parle ?)… Nous multiplions les appareils connectés, et donc les occasions de streamer.
- Les designs addictifs des plateformes : Lecture automatique, recommandations personnalisées… Les plateformes de streaming sont conçues pour nous garder le plus longtemps possible devant nos écrans. C’est bon pour leur business, mais pas pour notre planète.
En résumé, on sait qu’on conduit vers un mur, on et on accélère. Il nous reste à trouver les pédales pour ralentir (freiner ?).
Les solutions pour réduire l’impact du streaming
Heureusement, tout n’est pas perdu. Comme dans toute bonne série, après les moments sombres vient l’espoir. Je vous propose quelques pistes pour réduire notre impact environnemental du streaming.

Si nous ne souhaitons pas changer nos comportement et consommer autant, quelques innovations technologiques pourraient ralentir légèrement la tendance. L’optimisation des datacenters en utilisant des énergies renouvelables, et améliorant les systèmes de refroidissement… Certains acteurs le font déjà et récupèrent d’ailleurs la chaleur dégagée par les serveurs pour chauffer la/les villes voisines (Infomaniak par exemple alimente le réseau de chauffage du canton de Genève). Une autre piste est une compression vidéo plus efficace pour réduire la taille des fichiers sans altérer la qualité. Cela permet de stocker plus efficacement sur les serveurs et de réduire les flux réseaux. Les codecs évoluent très vite
Bonnes pratiques pour les utilisateurs : devenir un éco-streamer
Mais le plus simple est finalement d’adopter de bonnes pratiques. Nous avons tous un rôle à jouer pour réduire notre empreinte numérique individuelle. Voici quelques gestes simples mais efficaces que chacun peut adopter pour gagner sur l’impact environnemental du streaming :
- Adapter la qualité vidéo à l’écran utilisé : Si vous regardez une vidéo sur un smartphone ou une tablette, il est inutile de choisir une résolution 4K ou même HD. La définition standard (SD) est souvent suffisante sur ces petits écrans et consomme beaucoup moins d’énergie. Par exemple, passer de la 4K à la SD peut diviser par 10 la quantité de données consommées pour un même contenu.
- Privilégier le WiFi plutôt que les réseaux mobiles (4G/5G) : Le WiFi consomme jusqu’à 23 fois moins d’énergie que les réseaux mobiles pour transmettre les mêmes données. Si vous êtes chez vous ou dans un lieu équipé d’un WiFi stable, privilégiez cette option pour regarder vos vidéos.
- Télécharger plutôt que streamer plusieurs fois : Si vous prévoyez de regarder plusieurs fois un même contenu (comme un film préféré ou une série culte), téléchargez-le plutôt que de le streamer à chaque visionnage. Cela réduit considérablement le trafic réseau inutile et donc l’énergie consommée.
- Désactiver la lecture automatique : La lecture automatique (« autoplay ») est conçue pour maximiser votre temps passé sur une plateforme. Cependant, elle entraîne souvent le visionnage non intentionnel de vidéos et donc une consommation inutile d’énergie. Désactiver cette option est un moyen simple d’éviter ce gaspillage.
- Limiter le temps passé devant les écrans : Bien sûr, cela peut sembler difficile dans notre monde hyperconnecté, mais réduire légèrement votre temps de visionnage quotidien peut avoir un impact significatif si cette pratique est adoptée par des millions d’utilisateurs.
Actions concrètes des plateformes : vers un streaming responsable
Les grandes plateformes de streaming ont également un rôle crucial à jouer pour rendre leurs services plus durables. Certaines initiatives montrent déjà la voie :
- Netflix et son empreinte carbone : Netflix a lancé en 2021 son initiative « Net Zero + Nature », visant à atteindre zéro émission nette d’ici 2022 en compensant ses émissions résiduelles par des projets axés sur la reforestation et la conservation.
- YouTube et le mode économie de données : YouTube propose désormais un mode « économie de données » qui ajuste automatiquement la résolution vidéo en fonction des besoins réels de l’utilisateur et de son appareil.
- Sensibilisation des utilisateurs : Les plateformes pourraient aller encore plus loin en informant directement leurs utilisateurs sur l’impact environnemental de leurs choix. Par exemple, afficher une estimation des émissions de CO2 générées par chaque qualité vidéo sélectionnée pourrait encourager les utilisateurs à opter pour des résolutions plus basses lorsque cela est possible.
Régulations et politiques publiques : encadrer l’impact du numérique
Les gouvernements et institutions internationales peuvent jouer un rôle clé en établissant des régulations favorisant une utilisation plus durable du numérique :
- Encourager l’utilisation d’énergies renouvelables : Des incitations fiscales ou réglementaires pourraient pousser les entreprises technologiques à alimenter leurs infrastructures avec des sources d’énergie propres.
- Normes sur les appareils connectés : Imposer des normes énergétiques plus strictes aux fabricants d’appareils connectés (smartphones, téléviseurs intelligents) pourrait réduire leur consommation énergétique pendant le visionnage.
- Éducation à la sobriété numérique : Intégrer des programmes éducatifs sur l’impact environnemental du numérique dans les écoles pourrait sensibiliser dès le plus jeune âge aux bonnes pratiques numériques.
Un effort collectif pour un streaming durable
Le streaming vidéo est devenu une part importante de nos vies, nous offrant un accès sans précédent à la culture et au divertissement. Mais comme toute médaille, celle-ci a son revers. Son impact environnemental est réel et significatif. Chaque épisode, film ou tube-vidéo laisse des traces sur notre planète. Cependant, nous ne sommes pas condamnés à choisir entre divertissement et écologie.
Réduire l’impact environnemental du streaming vidéo nécessite par contre une mobilisation collective impliquant utilisateurs, entreprises technologiques et décideurs publics. En combinant innovations techniques, gestes individuels responsables et politiques publiques ambitieuses, nous pouvons faire en sorte que nos soirées Netflix ne pèsent pas lourd sur notre planète.
Alors pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui ? Adoptez ces bonnes pratiques simples et incitez vos proches à faire de même. Après tout, chaque petit geste compte lorsqu’il s’agit de préserver notre planète tout en continuant à profiter du meilleur du divertissement numérique ! C’est la somme de nos petites actions qui fera la différence. Comme dans toute bonne série, c’est ensemble que nous écrirons la suite de l’histoire. Et espérons que ce sera un « happy ending » pour notre planète.