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Ressources : Un défi pour l’humanité de Philippe Bihouix et Vincent Perriot

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Imaginez un monde où, en 3019, l’humanité survit dans des habitats spatiaux, la Terre étant devenue inhabitable. C’est le point de départ saisissant de Ressources : Un défi pour l’humanité. Une bande dessinée documentaire qui interroge nos choix actuels à la lumière de l’urgence écologique. À travers un voyage initiatique entre science-fiction et réalité, les auteurs Philippe Bihouix et Vincent Perriot démontent les mythes de l’abondance et du progrès technologique, en proposant néanmoins des pistes concrètes pour repenser notre rapport aux ressources. Découvrons pourquoi notre civilisation doit atterrir en douceur (avant de s’écraser ?).

Ressources : Un défi pour l’humanité

Informations bibliographiques et auteurs

La bande dessinée est éditée par Casterman et paraît en octobre 2024. C’est un moment où la crise écologique et les limites planétaires (épuisement des ressources, changement climatique, effondrement de la biodiversité) sont au cœur des débats publics. L’émergence des l’IA génératives (ChatGPT, Midjourney), des métavers, mais également la conquête spatiale privée et la croissance des data centers sont des sujets majeurs, qui nourrissent l’imaginaire d’un progrès technologique sans fin, souvent promu par les géants de la tech comme Elon Musk ou Jeff Bezos.

L’ouvrage de 176 pages est dessiné par Vincent Perriot connu pour ses univers de science-fiction et ses séries comme Negalyod. Il s’intéresse ainsi aux futurs possibles de l’humanité et à la puissance évocatrice du dessin pour questionner notre présent. L’écriture revient à Philippe Bihouix, ingénieur français, spécialiste reconnu des ressources minérales et des technologies low-tech. Il a donc publié plusieurs essais sur la critique de la croissance, la transition écologique et la nécessité de repenser nos modèles de développement. Il a écrit notamment L’Âge des low-tech et Le bonheur était pour demain.

Résumé du voyage

La bande dessinée Ressources : Un défi pour l’humanité nous embarque dans une odyssée unique, mêlant science-fiction et documentaire. Les auteurs, Philippe Bihouix et Vincent Perriot, se mettent en scène comme guides à travers le temps et l’espace. L’histoire débute donc en 3019, dans un futur où l’humanité, forcée de quitter une Terre épuisée, survit dans des habitats spatiaux. Ce point de départ sert alors de miroir pour interroger nos choix actuels et notre rapport aux ressources naturelles, dans un contexte où la crise écologique et les limites planétaires sont plus que jamais au cœur du débat public.

À travers un dialogue vivant entre le « sachant » (Bihouix) et le « candide » (Perriot), la BD déconstruit le mythe de l’abondance technologique. Les auteurs retracent d’abord l’histoire de l’exploitation des ressources. Cela, du Moyen Âge à la surconsommation moderne. Ils croisent alors la route de penseurs majeurs comme Malthus, des économistes, des philosophes et des figures contemporaines telles que Musk ou Bezos. Ce voyage critique met en lumière les illusions d’un progrès sans limites. Il questionne la croyance selon laquelle la technologie pourra toujours répondre à nos besoins.

L’analyse des limites planétaires s’appuie sur des données frappantes : pollution, destruction des sols, perte de biodiversité, émissions de gaz à effet de serre. Un focus particulier est porté sur l’impact du numérique et rappelle par exemple les 200kg nécessaires à la fabrication d’un smartphone. La BD dénonce le techno-solutionnisme et l’illusion de la dématérialisation, expliquant également l’« effet rebond » et les limites du recyclage. Un dossier final de 12 pages complète l’ouvrage, offrant glossaire, bibliographie et ressources pour approfondir la réflexion.

Les ressources nécessaires pour fabriquer un smartphone

Problématiques abordées

Ressources : Un défi pour l’humanité aborde frontalement plusieurs problématiques majeures.

La croyance dans la croissance infinie

Les auteurs démontent l’idée selon laquelle la croissance économique et le progrès technologique pourraient se poursuivre indéfiniment sur une planète aux ressources finies. Ils montrent que chaque avancée technologique augmentent la consommation de matériaux. Cela inclut énergie et ressources, créant un cercle vicieux de dépendance.

L’illusion technologique

L’ouvrage critique le discours dominant des géants de la tech. Ceux-ci promettent notamment que l’IA, le métavers ou la conquête spatiale permettront de surmonter les limites terrestres. Les auteurs dénoncent ce « techno-solutionnisme » comme une fuite en avant, incapable de répondre aux contraintes physiques et écologiques réelles.

L’impact invisible du numérique

La BD insiste sur le fait que la dématérialisation est un mythe. En effet le numérique, loin d’être immatériel, repose sur une extraction massive de ressources et une consommation énergétique croissante. Un exemple simple en page 91 : un smartphone nécessite 200 kg de ressources pour sa fabrication.

La difficulté du renoncement

Les auteurs interrogent notre capacité collective à renoncer à certains usages superflus. Ils nous poussent d’autre part à repenser nos besoins et à distinguer le progrès réel de l’illusion d’abondance. A quoi bon des vidéos en ultra-haute définition ou des trajets toujours plus longs si cela accélère l’épuisement des ressources ?

Solutions envisagées

Philippe Bihouix ne se contentent pas de dresser un constat alarmiste sur la crise des ressources naturelles : il proposent plusieurs pistes concrètes pour envisager un avenir plus sobre et soutenable.

  • Sobriété technologique et matérielle : Limiter l’utilisation de services numériques énergivores, privilégier l’expérience à la consommation passive.
  • Techno-discernement : Choisir les technologies utiles et accessibles, éviter la course à l’innovation pour l’innovation.
  • Allonger la durée de vie des objets : Réparer, entretenir, optimiser la conception pour faciliter la maintenance.
  • Mutualisation et économie de la maintenance : Partager outils et véhicules, développer une économie circulaire.
  • Réduction de la consommation et relocalisation : Privilégier les circuits courts, limiter la production de biens non essentiels.
  • Éducation et prise de conscience : Sensibiliser aux limites planétaires, utiliser la BD comme outil pédagogique.
  • Interrogation sur le sens du progrès : Questionner les promesses de la conquête spatiale et du métavers, réfléchir à l’essentiel dans nos modes de vie.

Notation

Facilité de lecture : 5. La BD est conçue pour être accessible à un large public et même les non-experts. Le style graphique dynamique, la narration sous forme de dialogue et la structure en chapitres thématiques facilitent la compréhension. Le texte est clair, fluide et évite le jargon technique inutile. J’ai ainsi trouvé la lecture agréable et instructive

Rigueur méthodologique, Exactitude des données et des faits : 4.5. L’ouvrage présente une argumentation solide et bien structurée, s’appuyant sur des sources variées et reconnues. Les références scientifiques, historiques et économiques sont nombreuses et pertinentes. La cohérence avec les connaissances actuelles reste globalement bonne.

Pertinence du contenu et Qualité des illustrations ou exemples : 5. Le contenu est parfaitement adapté au sujet annoncé et répond aux problématiques contemporaines. Les exemples concrets, les graphiques, les tableaux et les études de cas sont pertinents et bien intégrés dans la narration. Enfin, les illustrations graphiques jouent un rôle pédagogique important et renforcent la compréhension des enjeux.

Originalité et impact émotionnel ou intellectuel : 4.5. L’ouvrage apporte une perspective originale sur les enjeux des ressources naturelles, en mêlant science-fiction et documentaire. L’approche graphique et narrative suscite une réflexion profonde et invite le lecteur à questionner ses propres pratiques. L’impact émotionnel et intellectuel est fort, même si certaines idées ne sont pas totalement inédites dans le champ de la critique écologique.

Impact environnemental ou sociétal, et Applicabilité des solutions proposées : 4. Le livre propose une analyse approfondie des impacts environnementaux et sociétaux liés à l’exploitation des ressources. Les solutions avancées (sobriété, techno-discernement, mutualisation, etc.) sont concrètes et applicables à différents niveaux. Toutefois, la faisabilité à grande échelle et l’adoption de ces solutions par la société restent des défis majeurs, ce qui nuance le potentiel d’application immédiat.

Équilibre et objectivité : 4. L’ouvrage présente une vision engagée. Il s’efforce cependant de rester équilibré en exposant différents points de vue et en reconnaissant certaines limites des propositions. L’absence de biais manifeste est à saluer, même si le ton peut parfois sembler un peu pessimiste ou critique à l’égard du techno-solutionnisme. L’objectivité est donc globalement préservée, mais quelques nuances pourraient être apportées.

Conclusion

J’ai adoré Ressources : Un défi pour l’humanité. C’est une bande dessinée ambitieuse, accessible et pédagogique. Elle éclaire avec rigueur et créativité les enjeux liés à la finitude des ressources. Elle s’impose finalement comme un outil de réflexion et d’action pour tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir de notre civilisation.

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